Quand les algorithmes broient le social

Selon Hubert Guillaud, les algorithmes affectent profondément les organismes sociaux en introduisant des logiques de contrôle, de précarisation et de discrimination, tout en se présentant sous le masque de la neutralité et de l’efficacité.
Dans son essai paru en avril dernier, Hubert Guillaud dénonce avec force la mainmise algorithmique sur nos services publics. « Les algorithmes contre la société » dissèque méthodiquement les rouages d’une transformation numérique qui, loin d’améliorer notre quotidien, renforce les injustices systémiques. L’auteur nous plonge dans un monde où le fait social est réduit à des suites de calculs impitoyables : CAF automatisée traquant les plus précaires, France Travail déshumanisé, Parcoursup écrasant les aspirations des jeunes sous le poids des moyennes. Guillaud démontre, preuves à l’appui, que ces systèmes prétendument neutres reproduisent et amplifient les inégalités existantes.La force de l’essai réside dans sa capacité à traduire des mécanismes techniques complexes en enjeux politiques concrets. Selon l’auteur, la traduction du fait social en combinaison de chiffres masque en réalité un projet politique où l’optimisation remplace la délibération démocratique.
Particulièrement éclairante l’analyse des fouets numériques qui, sous prétexte d’efficacité, exercent un contrôle toujours plus étroit sur les travailleurs et les citoyens. Le journaliste y voit même une dérive potentiellement fascisante quand ces outils servent à normaliser des comportements et à punir les écarts. Loin du fatalisme technologique, Hubert Guillaud propose des pistes concrètes pour calculer autrement, en réintroduisant transparence et participation citoyenne. Un essai bienvenu qui nous rappelle que la technique n’est jamais neutre et que nos choix numériques sont d’abord des choix de société.
Les algorithmes contre la société, Hubert Guillaud, Editions La Fabrique, 176 pages, 14 euros