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Plusieurs dirigeants européens plaident pour un report de l’IA Act

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Plusieurs dirigeants européens plaident pour un report de l’IA Act

Trop de régulation tue l’innovation. Une cinquantaine de patrons européens reprennent en choeur le refrain en signant une pétition demandant un gel de 2 ans de l’IA Act. 110 entreprises au total soutiennent le texte envoyé à Ursula von der Leyen à moins d’un mois de l’application des règles de l’IA Act pour les modèles d’IA à usage général.

Laissez-nous du temps pour innover. N’empêchez pas l’émergence de « champions » européens de l’IA. Suspendez l’IA Act pendant 2 ans. C’est en substance le sens de la missive sobrement intitulée « Stop the clock » adressée le 3 juillet par une cinquantaine de patrons européens à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, aux vice-présidents exécutifs Henna Virkkunen et Stéphane Séjourné ainsi qu’au commissaire Valdis Dombrovski. Le texte est également publié sur un site opportunément nommé AIChampions.eu, créé pour l’occasion, sur un fond d’écran – généré par IA ? – évoquant en toute modestie la création d’Adam de Michel-Ange. Un choix à double tranchant…

Selon nos confrères de CIO.com, c’est exactement le même « stop the clock » ? Sous cette même appellation, qu’a réclamé il y a tout juste deux semaines la « Computer & communications industry association (CCIA), groupe lobbyiste piloté par des entreprises telles Amazon, Apple, Google et Meta ». Le lobby s’appuie en particulier sur les déclarations d’intention de plusieurs ministres de l’UE qui se disent prêts à retarder les réglementations. […] » L’article cite les ministres du digital allemand et suédois, ajoutant que la ministre danoise du numérique, Caroline Stag Olson, va un cran plus loin que le seul gel de l’IA Act et « demande une réforme de toutes les régulations européennes du digital space, RGPD compris ».

Une question d’équilibre

La pétition des patrons européens invoque l’habituelle argumentation de « l’équilibre délicat entre régulation et innovation » par lequel l’Europe se serait toujours distinguée jusqu’à la déferlante GenAI. Sous-entendu à peine masqué : il est temps de faire pencher la balance du côté de l’innovation et de geler la régulation, afin de voir (enfin) émerger des acteurs européens majeurs de l’IA. Des enjeux contraints, selon les signataires du courrier, par des textes européens multiples et de plus en plus complexes en tête desquels l’AI Act. « En ces temps de changements technologiques, économiques et géopolitiques, précise le courrier, la capacité de l’Europe à conduire l’innovation en IA et son adoption seront critiques pour répondre aux enjeux de compétitivité et de souveraineté si clairement identifiés par Mario Draghi – surtout dans nos industries les plus établies et les plus stratégiques ».

Alors que l’application des règles pour les modèles d’IA à usage général de l’IA Act doit intervenir dans moins d’un mois, le 2 août prochain, les 49 signataires s’alarment de ces régulations qualifiées de « peu claires, qui se chevauchent et deviennent de plus en plus complexes. Cette situation met en péril les ambitions de l’Europe en matière d’IA, car elle compromet non seulement le développement de champions européens, mais aussi la capacité de toutes les industries à déployer l’IA à l’échelle requise par la concurrence mondiale ».

L’IT américaine en embuscade ?

L’argumentation du CCIA ne diffère en rien, si ce n’est qu’ils pointent du doigt une impréparation de la Commission qui compromettrait la complétude des textes de loi dans les temps impartis. « Lors d’une réunion des chefs d’État et de gouvernement européens à Bruxelles la semaine dernière [mi-juin], poursuit ainsi l’article de CIO.com, les lobbyistes du CCIA ont eux aussi demandé le report de la mise en œuvre de l’IA Act européen. Le raisonnement de l’association est le suivant : les principales dispositions du cadre réglementaire – notamment les règles appliquées aux modèles d’IA à usage général (GPAI) – qui doivent entrer en vigueur le 2 août sont encore inadéquates. Les représentants de la CCIA se sont inquiétés du fait que la Commission européenne risque de ne pas respecter les délais de mise en œuvre de la loi. Une introduction précipitée de celle-ci pourrait selon eux mettre en péril les ambitions de l’Europe en matière d’IA, notamment les 3 400 milliards d’euros que le déploiement de l’IA devrait apporter à l’économie de l’UE d’ici à 2030, selon les prévisions de la Commission européenne ». 

La régulation européenne sur l’IA est en effet loin d’être parfaite. La pétition des entreprises européennes rappelle ainsi à juste titre qu’à 4 semaines seulement de l’échéance, les règles pratiques d’application de l’AI Act, le code of practice ne sont toujours pas finalisées (à la satisfaction de l’administration Trump qui oeuvre pour le supprimer). De la même façon, comme nous l’avions évoqué ici, la définition des données personnelles ou des démarches de pseudonymisation et d’anonymisation reste imprécise, car complexe.

L’éthique absente de la pétition

Reste que ces régulations veillent aussi à répondre aux enjeux éthiques de l’IA et à protéger citoyens et acteurs économiques. Si le courrier des patrons européens n’évoque ceux-ci à aucun moment, certaines autres entreprises comme la Macif, par exemple, non-signataire, ont pris le temps d’explorer en détail dans un manifeste pour une IA éthique. La lettre ouverte à la Commission ne cite aucun des impacts pourtant déjà visibles de l’IA sur la vie privée, l’identité, la propriété intellectuelle, le travail et l’emploi ou encore la génération de fausses informations. L’IA génère et partage des données et de l’information par nature loin d’être toujours fiables. Autant d’éléments qui engendrent des risques tant pour la vie privée des individus que pour la propriété intellectuelle ou la réputation des entreprises, par exemple. L’IA agentique poussant l’automatisation dans ses derniers retranchements créant quant à elle a minima des inquiétudes pour certains métiers et pour l’emploi en général.

La liste de patrons signataires de la pétition puise largement dans le CAC 40 français avec entre autres Axa, Carrefour, Sanofi ou TotalEnergies et chez nos voisins allemands avec Lufthansa, Mercedes ou Siemens, mais aussi chez les pure players du numérique comme Dassault Systèmes, Mirakl ou Mistral AI. Au total, le site aichampions.eu revendique le soutien de 110 organisations européennes qui représenteraient plus de 3 000 milliards de dollars (soit un peu plus de 2 500 milliards d’euros). Quelques grands manquent néanmoins pour l’instant à l’appel comme Accor, Air Liquide, Arcelormittal, Bouygues, Stellantis ou Veolia Environnement.