La Justice américaine prête à découper Google et Chrome
Google espère retarder la filialisation de son activité Chrome jusqu’à ce que Donald Trump, qui veut favoriser les entreprises américaines, prenne le contrôle de l’administration judiciaire… mais les choses pourraient se passer autrement.
En août dernier, un tribunal fédéral américain a reconnu Google coupable de violation des lois antitrust, et les conséquences pourraient aller bien au-delà du démantèlement d’AT&T/Bell pour des motifs similaires dans les années 1980. Pour l’instant, la nature exacte de l’action antitrust reste encore très incertaine. Des rapports récents laissent à penser que le département américain de la Justice (Department of Justice, DoJ) pourrait obliger Google à vendre son navigateur Chrome. C’est ce qu’affirme Bloomberg qui s’intéresse à cette affaire depuis des années. Jusque-là, le ministère de la Justice avait plutôt envisagé une sorte d’éclatement des trois grands actifs de Google que sont Search, Chrome et Android. Tout ou partie d’entre eux étaient sur la table, mais il semble que le DoJ ait fait le choix de sortir Chrome de ce puzzle monopolistique.
Mettre fin aux contrats d’exclusivité autour d’Android et de Chrome
L’équipe fédérale proposerait également que Google soit contraint de s’abstenir de conclure le type de contrats d’exclusivité qui sont devenus un élément essentiel de ses partenariats avec les équipementiers pour les appareils Android et Chrome. Le DoJ souhaite aussi que Google fournisse aux sites web davantage d’outils pour refuser l’extraction de leurs données à des fins d’entraînement de l’IA. Cela ne signifie pas pour autant que les voies d’un accord ont été trouvées. En supposant que les informations de Bloomberg soient exactes, cela signifierait que les avocats du DoJ suggéreront au juge de district Amit P. Mehta d’obliger Google à se défaire de Chrome. Le juge disposera d’une latitude assez large pour décider de procéder à cette action ou de suggérer un autre moyen d’appliquer la loi sur le monopole illégal. Quoi qu’il en soit, l’équipe juridique de Google fera inévitablement appel pour obtenir une sanction plus légère, voire l’annulation pure et simple de la décision. Un vice-président de Google a accusé le département de la Justice de « pencher pour une approche radicale qui va bien au-delà des questions juridiques soulevées dans cette affaire ».
Jouer la montre avant l’entrée en fonction de Trump…
Si un appel de Google ne serait une surprise pour personne, on peut aussi avancer que, après la victoire électorale de Donald Trump et son arrivée à la Maison Blanche dans moins de deux mois pour un second mandat présidentiel, Google espère que les rouages de la justice tourneront suffisamment lentement pour qu’une nouvelle administration, qui aura le contrôle total du gouvernement fédéral, prenne le pouvoir. Vu le rythme pris jusqu’à présent par l’affaire antitrust – elle a commencé il y a un peu plus de quatre ans – ce pari semble sûr d’être gagné. Il est évident qu’avec les Républicains en général et M. Trump en particulier, le pouvoir fédéral de réglementer et de poursuivre les entreprises risque d’être très entravé. L’espoir le plus évident est donc que, sous M. Trump, la nouvelle administration et le DoJ, renoncent à toute forme de contrôle sur les entreprises. Compte tenu des multiples procès en cours de Donald Trump dans l’immobilier et avec des dizaines d’autres entreprises, sans parler du choix précoce du député libertaire de Floride Matt Gaetz au poste de procureur général, Google pourrait espérer s’en sortir à bon compte.
…Un pari à l’issue incertaine
Toutefois, si les conservateurs américains se positionnent généralement contre la réglementation dès qu’ils en ont l’occasion, il y a des exceptions notables, notamment dans le domaine de la technologie et des médias sociaux. Les républicains accusent depuis longtemps toutes les entreprises technologiques de favoriser les préjugés à leur encontre. Et M. Trump ne fait pas exception. Il est même le promoteur le plus manifeste du climat actuel. « Google a beaucoup de pouvoir. Ils sont très méchants avec moi. Très, très mauvais pour moi », s’est plaint Donald Trump lors d’une interview qu’il a donnée en octobre, reprenant des déclarations antérieures contre l’entreprise de recherche. « Il y a beaucoup de bonnes histoires sur moi ces derniers temps, mais on ne les trouve pas dans Google. Tout cela est manipulé. Je pense que Google est truqué, tout comme notre gouvernement. » JD Vance, le vice-président élu, a déclaré que Google devrait être entièrement démantelée, la qualifiant « d’entreprise parmi les plus dangereuses au monde. »
Google est donc dans le collimateur du département de la Justice actuel pour avoir abusé de son pouvoir de monopole, et il est la cible de l’administration entrante pour ce qu’elle perçoit comme des insultes à l’encontre de certaines personnes. Prédire l’humeur de M. Trump à un moment donné est une gageure, sans parler de ses actions. Mais quelle que soit l’issue de l’affaire, Google se trouve entre le marteau et l’enclume.