Les défis de HPE après la finalisation du rachat de Juniper

Après l’accord passé avec le Département américain de la justice, HPE a officiellement annoncé l’acquisition de Juniper Networks. Les intégrations vont pouvoir commencer, sous les auspices d’une nouvelle entité réseau, HPE Networking avec un focus assumé sur l’IA.
Il aura fallu 18 mois pour HPE pour enfin boucler l’acquisition de Juniper Networks pour 14 Md$. L’opération avait été annoncée en janvier 2024 et a obtenu le feu vert de plusieurs autorités de régulation. Mais en janvier 2025, le Département américain de la justice a décidé de contester cette opération au motif qu’elle portait atteinte à la concurrence notamment sur le marché du réseau sans-fil. Après, plusieurs mois de négociations, HPE a réussi trouver un accord avec le DoJ autorisant le rachat sous conditions.
Avec cette acquisition finalisée, les travaux d’intégration entre les deux sociétés vont pouvoir commencer. Premier élément visible, la création d’une nouvelle entité baptisée HPE Networking qui va regroupe l’ensemble des activités réseaux. Elle est dirigée par Rami Rahim, ex CEO de Juniper. Ce dernier a expliqué lors d’une conférence de presse, « je peux vous assurer que mon objectif, en tant que dirigeant de cette activité réseau combinée, est de bâtir la meilleure entreprise réseau au monde, fondée sur l’innovation, et nous comptons y parvenir en nous concentrant d’abord sur nos clients et partenaires ».
Minimiser l’impact des concessions faites au DoJ
Au sein de cette entité, les deux marques HPE Aruba et Juniper vont co-exister, car l’entreprise continue d’y voir de la valeur. La refonte du portefeuille est en cours et Rami Rahim demande un peu de temps, « c’est le premier jour, et ce n’est que le début ». Le périmètre du portefeuille est également soumis à l’accord avec le DoJ qui impose deux contraintes à HPE. La première est la concession sous licence des algorithmes d’exploitation d’IA Mist de Juniper à ses concurrents par le biais d’une procédure d’enchères. « Nous avons convenu avec le DOJ d’offrir une licence, par le biais d’une procédure d’enchères, pour des aspects spécifiques de Juniper Mist, à savoir uniquement la partie exploitation d’IA », précise Antonio Neri, CEO de HPE. Cette distinction est techniquement significative. Les concurrents auront accès aux algorithmes de détection d’anomalies et de prédiction des pannes de Mist, mais pas au système d’exploitation réseau sous-jacent, aux couches d’abstraction matérielles ni aux modèles de données spécifiques aux clients qui rendent ces algorithmes efficaces en environnement de production. HPE conserve le contrôle des mécanismes de collecte de données, des pipelines de traitement de la télémétrie et des points d’intégration à l’infrastructure réseau physique.
La deuxième exigence du DOJ impose la cession du portefeuille Aruba Instant On de HPE, qui cible les déploiements des petites entreprises avec des points d’accès et des commutateurs gérés dans le cloud. Interrogé sur cette cession, Antonio Neri a tenté d’en minimiser l’impact : « Aruba Instant On est une toute récente activité que nous avons développée au cours des trois dernières années environ, et elle est totalement distincte du reste de la plateforme HP Aruba traditionnelle, ou Aruba Central ». Il ajoute, « Il s’agit d’une offre unique ciblant le segment des PME du marché, et plus particulièrement les petites entreprises; c’est une très petite activité pour nous ».
Un focus sans surprise sur l’IA
Dans la continuité du dernier Discover qui s’est déroulé fin juin à Las Vegas, Rami Rahim a expliqué que la stratégie de HPE Networking allait s’articuler autour de deux volets : l’IA pour les réseaux et la mise en réseau pour l’IA. Le premier point se concentre sur l’IA pour l’exploitation et la gestion du réseau. Cela implique l’utilisation de l’analyse prédictive de Mist pour identifier les problèmes de performance avant qu’ils n’impactent les applications, optimiser automatiquement les environnements et proposer des solutions correctives prescriptives aux problèmes réseau. L’intégration étendra ces capacités au-delà des réseaux sans fil, incluant l’infrastructure filaire, les politiques de sécurité et la corrélation inter-domaines avec les systèmes de calcul et de stockage. « Nous bénéficierons d’une portée et d’une flexibilité accrues, car grâce à la puissance de HPE et de Juniper, nous pourrons désormais répondre à davantage de cas d’utilisation avec davantage d’options de déploiement, et nous bénéficierons ainsi d’une sécurité intégrée renforcée », a déclaré Rami Rahim.
La mise en réseau pour l’IA, elle, répond aux besoins d’infrastructure des charges de travail d’IA elles-mêmes. Cela inclut les structures à large bande passante et à faible latence nécessaires à la communication entre GPU, ainsi que les systèmes intégrés de refroidissement et de distribution d’énergie nécessaires aux clusters d’IA modernes. « La deuxième opportunité de mise en réseau de l’IA est tout aussi prometteuse. Nous construisons des centres de données à grande échelle, des IA factories qui sont extrêmement importantes dans le contexte actuel », a expliqué le dirigeant de HPE Networking. « Ensemble, nous pourrons innover plus rapidement à tous les niveaux de la pile technologique, du silicium aux systèmes en passant par les logiciels, et nous aurons une solution complète. », ajoute-t-il.
Un engagement sur l’open source poursuivi
Interrogé sur la question de l’open source et sur l’implication des deux sociétés dans les communautés, Rami Rahim rappelle que « l’open source a toujours joué un rôle important dans le programme d’innovation de Juniper, et j’en suis sûr qu’il en sera de même pour HPE ». Pour lui, cette approche « a gagné en popularité dans le réseau dans des domaines comme Sonic et Juniper a investi dedans ». L’élargissement du portefeuille va créer des opportunités supplémentaires pour les contributions open source. Le dirigeant s’attend à ce que cela déborde du simple périmètre réseau pour inclure également le calcul et le stockage. HPE n’est pas non plus un novice en matière de réseaux open source. L’entreprise est membre fondateur et contributeur clé de l’Ultra Ethernet Consortium (UEC), qui a récemment publié sa spécification 1.0.
Le fournisseur n’a pas fourni de calendrier d’intégration précis. Rami Rahim et Antonio Neri penchent pour une approche mesurée pour préserver les investissements existants tout en proposant des solutions de migration. « Personne, aucun client, personne ne sera laissé pour compte ; les contrats seront honorés pendant toute la durée de vie des produits », a déclaré Antonio Neri. L’impératif stratégique à venir est d’intégrer les technologies d’IA, cloud-native et réseau.
Bien qu’il existe des chevauchements au sein du portefeuille existant, Rami Rahim a souligné que ces technologies adoptent souvent des approches architecturales différentes pour résoudre les problèmes de réseau. « Ensemble, l’opportunité est de construire une solution capable de répondre à davantage de cas d’usage, qu’ils nécessitent le cloud ou une sécurité intégrée sur site. La combinaison de ces éléments est illimitée pour atteindre des niveaux d’innovation plus élevés », observe-t-il. « Je me sens un peu comme un enfant dans un magasin de bonbons en ce moment, regardant les composants technologiques tout autour de moi, et mon équipe et moi sommes tout simplement super excités de retrousser nos manches et d’obtenir cette feuille de route que tout le monde est bien sûr très intéressé à voir ».