Comment Vsora joue sa partition dans les accélérateurs IA
Originaire de Meudon-La-Forêt dans les Hauts-de-Seine, le designer de puces Vsora (Risc-V) va utiliser sa dernière levée de fonds de 40 M€ pour lancer d’ici fin juin 2025 avec TSMC la production de son dernier modèle de puce d’inférence IA Jotunn8.
Fondée en 2015 et installée à Meudon-La Forêt (92), Vsora a réussi à lever 40M€ pour démarrer d’ici juin la production de sa puce d’inférence IA Jotunn8 (J8) avec des coeurs Risc-V travaillant avec des processeurs hôtes (x86 ou Arm), une appellation en clin d’oeil aux géants de la mythologie nordique (les Jötunn possédant des pouvoirs divins de métamorphose et d’illusion.) Ce tour de table – le troisième après un premier en 2018 et un deuxième en 2022 – a été mené par Otium et un family office français, avec la participation d’Omnes Capital Capital et d’Adélie Capital, ainsi qu’un co-financement du Conseil européen de l’innovation (EIC – European Innovation Council). La start-up, jusqu’alors très discrète sur ses activités, a été co-fondée par Khaled Maalej (président), Pierre-Emmanuel Bernard (DSP/chip architect), Julien Schmitt (responsable technique), et Trung Dung Nguyen (responsable architecture et technique). Avant de co-fonder Vsora, Khaled Maalej avait précédemment co-créé Dibcom, spécialisé dans les circuits intégrés dans le domaine de la réception TV numérique terrestre en environnement mobile, revendue à Parrot en 2011 pour 27,9 M€ et dont il a été le directeur technique. « C’est avec Dibcom que l’équipe a a acquis de l’expérience en termes de design et de silicon », nous a expliqué Khaled Maalej.
Après avoir démarré son activité avec la vente de propriété intellectuelle d’architecture de puces, Vsora a décidé de concevoir son propre circuit intégré pour l’IA pour répondre dans un premier temps aux besoins du marché des voitures autonomes, et plus récemment à l’explosion de la demande en puissance de calcul portée par la GenAI aussi bien dans des environnements en local que cloud. Avec pour ambition de proposer une puce d’inférence IA à l’architecture optimisée pour traiter un très grand nombre de requêtes et libérer jusqu’à 50 % voire 60 % de son taux d’utilisation. « Les circuits d’inférence IA sur le marché sont compliqués et chers avec des limitations de calcul », indique Khaled Maalej. « Le problème est qu’il faut alimenter ces unités de calcul avec de la data mais on se heurte à un problème de memory wall car il n’y a pas assez de bande passante pour fournir les data à toutes ces unités de calcul. » Pour répondre à ce problème, Vsora a opté pour une approche différente sur la façon d’organiser le calcul dans une puce électronique en alimentant efficacement toutes ses unités de calcul de sorte que la data arrive au moment de chaque cycle de calcul. « Nous avons réussi à transformer la mémoire embarquée dans les puces pour qu’elle soit vue comme des registers pour garantir un taux d’utilisation très significatif de l’arithmétique. » Les performances affichées sont de 25 Tflops en FP32.
L’accélérateur IA de Vsora a vocation à être intégré dans des serveurs taïwanais et ultérieurement dans des mini POD. (crédit : Vsora)
Un choix évident de se tourner vers TSMC pour la fabrication
Pour percer, Vsora met en avant sa capacité à réduire le temps de traitement des requêtes grâce à la spécificité de son architecture reposant sur Risc-V, mais ne prétend pas pour autant lutter en frontal avec d’autres géants du secteur comme Nvidia ou AMD. « On s’attaque à un problème technique avec une architecture nouvelle avec une efficacité de calcul qui permet de réduire le temps des requêtes », résume Khaled Maalej. Le marché des puces d’inférence IA est très porteur avec l’explosion de la demande en capacités de calcul des datacenters pour des tâches de calcul plus seulement orientées sur de l’entrainement. La puce d’inférence IA Jotunn8 combinant des coeurs Risc-V et de la mémoire HBM3 (288 To avec un bande passante de 8 To/s) sera fabriquée par le géant TSMC. Un choix qui s’est imposé à l’évidence pour Vsora non seulement pour sa capacité de gravure 5nm, mais aussi pour la maitrise du packaging de circuits de 7cm sur 7cm sur laquelle plusieurs puces seront intégrées. Les accélérateurs IA de Vsora seront insérés dans des serveurs taïwanais – sans plus de précision – mais viendront dans un second temps également équiper des systèmes « mini pod » au format 2U. « Nous n’avons pas l’objectif de déployer nos circuits directement dans des datacenters mais de laisser nos clients et donneurs d’ordre décider du business model et les déployer où ils veulent », indique Khaled Maalej.
La dernière levée de fonds de Vsora intervient au moment où l’Europe cherche à valoriser les fournisseurs et start-ups technologiques et tenter de constituer une alternative face aux concurrents étrangers, en particulier américains, et réduire un peu leur dépendance ce qui ne s’avère pas une mince affaire. D’ici 2030, l’Europe pourrait bien rater le coche de fournir 20 % de la production mondiale de puces comme initialement évoqué dans le Chips Act porté par la Commission européenne il y deux ans. « Le problème de la souveraineté européenne dans les puces électroniques est un enjeu économique majeur », assure Khaled Maalej. « Nous sommes la seule société européenne à proposer à horizon deux ans des circuits intégrés avec ce niveau de calcul et d’efficacité. » On rappellera simplement qu’Arm est un acteur britannique, qui va bientôt dépasser le simple design de puces et commercialiser ses propres composants, surtout depuis le rachat d’Ampere par son actionnaire Softbank.
La rentabilité visée pour 2027
Vsora espère être rentable en 2027 et compte bien réaliser beaucoup plus quelques millions d’euros de revenus. Installé en région parisienne, la société dispose aussi de bureaux à Grenoble et à Nantes ainsi qu’à Taïwan pour des activités de ventes, de stratégie et rester proche de ses partenaires, dont TSMC en particulier. Nonobstant les conditions de marché et relations tendues entre l’Europe et les Etats-Unis, Vsora compte bien continuer à investir outre-Atlantique. « Tout le monde subit ces conditions de marché, on subit tous les mêmes règles et le marché américain reste une vitrine technologique et une présence aux Etats-Unis permet de rayonner sur le monde entier », assure Khaled Maalej. Comptant 25 personnes, la société compte doubler son effectif d’ici la fin de l’année.